Arrêtons de nous tromper sur ce qu’est un « vrai leader » !

Dans son livre Le Premier Secrétaire de la République, le reporter Cyril Graziani relate la manière dont François Hollande souhaite être perçu en tant que dirigeant : « Je suis beaucoup plus autoritaire qu’on ne l’imagine (…) Toutes les décisions que je prends, je les prends seul avec moi-même, dans un dialogue singulier ».

Hollande n’est pas le premier Président à souhaiter mettre en avant son « autorité », sa capacité à décider seul. Rappelons nous du « Je décide, il exécute » de Jacques Chirac parlant de Nicolas Sarkozy ou encore du « le Premier ministre est un collaborateur, le patron c’est moi » de Nicolas Sarkozy à propos de François Fillon.

Si nos hommes politiques les plus aguerris portent aux nues cette idée de l’homme providentiel, plus intelligent que les autres et capable de prendre seul, de manière autoritaire, les bonnes décisions, c’est probablement qu’ils sont persuadés que c’est ce que les gens attendent d’un vrai leader. Et s’ils sont persuadés de cela, c’est peut-être que c’est effectivement ce que pensent « les gens », le public. « On a les hommes politiques que l’on mérite » dit le philosophe André Comte-Sponville.

Ce serait donc cela un « leader » ? Un homme providentiel, plus fort et plus intelligent que les autres, capable d’imposer sa décision par sa force de conviction (ou d’intimidation) ?

Il n’est pas rare de retrouver les mêmes critères de sélection dans le monde de l’entreprise. La situation est-elle délicate ? Les actionnaires se mettent en recherche du dirigeant à poigne, du meneur d’hommes, qui va imposer ses bonnes solutions et remettre l’entreprise en ordre de marche… et qu’ils seront prêts à payer très cher.

Tel l’homme qui regarde le doigt du sage qui pointe la lune, ne serions nous pas collectivement en train de nous tromper de sujet ?

Evidemment, les exemples d’hommes providentiels géniaux, autoritaires et souvent caractériels ayant sauvé leur pays ou leur entreprise abondent : Winston Churchill, Charles de Gaulle, ou dans un autre registre Steve Jobs illustrent bien cela. Mais ne retenir de ces personnalités remarquables que leur manière de décider seul et d’imposer leurs décisions serait passer à coté d’un élément tout à fait essentiel dans leur réussite : leur capacité à inspirer le coeur des Hommes !

N’est-ce pas en effet le fait qu’ils aient si bien su donner du sens à l’action collective qui a permis à ces leaders de réussir ? Rappelons nous de leurs mots : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur » (Churchill), « Vous demandez quelle est notre politique ? […] engager le combat contre une monstrueuse tyrannie… » (Churchill), « la France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre ! » (de Gaulle), « vous pouvez influencer [la vie] et élaborer vos propres inventions, vos propres modes de vie que les autres pourront à leur tour utiliser » (Jobs).

N’est-ce pas d’ailleurs cette capacité à inspirer les autres et à devenir « Des individus que nous suivons non parce que nous le devons, mais parce que nous le voulons ! » comme le dit si bien Simon Sinek, qui confère à ces personnalités leur « autorité » ?

Notons à ce propos la différence entre les expressions : « une personne autoritaire » et « une personne qui a de l’autorité ». Une personne autoritaire est quelqu’un qui parvient à imposer ses décisions aux autres (souvent par la peur ou la force). Une personne qui a de l’autorité est quelqu’un qui, au contraire, donne du pouvoir à l’autre,  celui de participer à un projet qui fait sens pour lui et qui lui donne envie de suivre son leader.

Des leaders beaucoup moins autoritaires que de Gaulle ou Jobs ont pu tout aussi bien qu’eux déplacer des montagnes en s’appuyant sur leur autorité. Pensons à Gandhi, Mandela ou encore Martin Luther King.

Mais d’où vient cette autorité ?

D’abord du fait que ces leaders s’occupent en premier lieu de répondre à la question « pourquoi ? ». Pourquoi nous nous levons le matin ? Qu’est-ce que nous voulons vraiment réaliser collectivement ? Quelle est notre raison d’être en tant que pays ou en tant qu’entreprise ? Derrière ce « pourquoi », il y a également l’idée des valeurs. Quelles sont les valeurs sur lesquelles nous souhaitons bâtir le monde (l’entreprise) de demain ?

Elle vient aussi du fait que ces leaders incarnent à 100% les valeurs et la raison d’être du projet collectif dont ils sont les inspirateurs. Ils ne sont pas là pour s’enrichir ou pour accéder au pouvoir, ils sont là pour servir de manière exclusive la réussite du projet et du collectif qui le porte. C’est cette cohérence qui leur confère l’autorité qui donne envie aux autres de les suivre.

Le recours à des exemples d’Hommes d’Etat illustres ne doit pas nous leurrer : le besoin en entreprise est le même. Nous avons plus que besoin de dirigeants qui comprennent qu’ils ne sont pas au service exclusif de leurs actionnaires et que leur premier rôle est d’abord d’entrainer le collectif dans un projet inspirant à long terme qui va permettre à l’entreprise de trouver l’énergie et l’intelligence dont elle a besoin pour prospérer.

N’en déplaise à nos hommes politiques, génie et force de persuasion peuvent constituer – lorsqu’il n’ont pas pour conséquence d’inhiber les autres – une cerise sur le gâteau, mais ne sont pas suffisants pour reconnaître un vrai leader.

La capacité à donner du sens (le pourquoi), la cohérence, la sincérité et la dévotion au projet collectif sont pour nous des qualités infiniment plus importantes lorsqu’il s’agit de choisir celui ou celle à qui va revenir l’honneur de représenter notre projet, celui de notre pays ou de notre entreprise.

Où sont ces qualités chez nos hommes politiques actuels ou chez les dirigeants de nos grandes entreprises ? N’est-il pas temps que nous actualisions notre image de ce qu’est un vrai leader ?

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